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 NEWS FROM THE JUNGLE 

Voices #7 Honneur et Désespoir

Sue Cooper est une bénévole qui vient régulièrement dans le nord de la France. Elle travaillait initialement avec l’association Help Refugees avant de rejoindre notre équipe du Women’s Centre. Sue a une formation d’infirmière et a travaillé de nombreuses années pour Macmillan Cancer Support. En ce moment, elle vit entre la Grande Bretagne et la France. Voici ses réflexions touchantes sur son dernier séjour avec l’équipe du Women’s Centre :

Je suis assise près d’un feu de cheminée dans ma maison confortable, en train de regarder le soleil se coucher et je pense à ces hommes, ces femmes et ces enfants que j’ai rencontré la semaine dernière – des personnes comme moi, mais dont les vies ont été détruites par la guerre, les conflits, la persécution et la pauvreté, et qui aujourd’hui vivent ou plutôt existent à Calais et Dunkerque.

Je n’arrête pas de penser à Faven – une jeune femme de 17 ans d’Érythrée, plus petite et fragile que ma petite-fille de 14 ans. Faven était en train de choisir une écharpe dans la camionnette du Women’s Centre, pour se protéger du froid. Elle me raconte que les CRS l’avaient réveillée ce matin avec les bouts pointus de leurs bottes et lui ont vaporisé du gaz lacrymogène dans le visage. Elle mime les larmes qui coulent, le nez qui coule, la toux et le vomi qui ont suivi. Faven ne possède rien, à part les habits qu’elle porte. Elle est fatiguée et épuisée après seulement quelques heures de sommeil.

Il faisait froid cette nuit, en dessous de zéro degré, et je ne peux pas m’empêcher de penser à Faven et aux autres centaines de jeunes personnes qui dorment dehors, sous des buissons sans abri du vent, sans tente, sans bâche, sans couverture ni sac de couchage. Il ne s’agit pas d’un roman dystopique. Il s’agit du nord de la France – à seulement 20 lieux de mon domicile, de l’autre côté de la Manche. Des centaines de réfugiés et demandeurs d’asile venant d’Iran, d’Irak, d’Afghanistan, d’Éthiopie, d’Érythrée et du Soudan se retrouvent là-bas, en espérant obtenir l’asile en France ou arriver au Royaume Uni. La vie est un enfer pour ces personnes – un enfer plein de froid, d’humidité et de harcèlement.

La police est constamment en train de patrouiller les friches et les parcs de Calais. Ils réveillent chaque personne qu’ils trouvent, parfois avec un pied, un bâton ou une bombe à gaz lacrymogène, les chassent en disant « Allez, allez ! », « Dégagez ! ». Ils prennent les couvertures, les sacs de couchage qu’ils trouvent ou les pulvérisent de spray anti-agression afin de les rendre inutilisables.

Le but de cette cruauté ? La dispersion. Chasser les « migrants » et les empêcher de se retrouver à des points fixes – finalement, d’empêcher l’installation d’une nouvelle Jungle de Calais. Bien sûr, cela est inutile. Il n’y a pas de camp fixe, mais à peu près 700 réfugiés vivent dans les environs de Calais, la plupart ont entre 15 et 25 ans et plusieurs centaines d’hommes, de femmes et d’enfants se retrouvent à Dunkerque. La destruction du camp n’a pas empêché les personnes d’arriver. La mission de la police est apparemment de protéger la frontière britannique, et le gouvernement britannique les aide financièrement à continuer ce travail.

Je conclus des explications d’un volontaire français que ces méthodes ne sont pas acceptées par tout le monde à la police, mais que s’ils n’exécutent pas ces ordres, ils sont signalés, souvent par un officier de rang inférieur. Avons-nous déjà entendu cela au cours de l’Histoire ?

J’ai passé deux jours avec les volontaires du Refugee Women’s Centre (RWC), qui étaient basées au camp de réfugiés Dunkerque, avant qu’il brûle en avril 2017. Aujourd’hui elles opèrent depuis leur camionnette à Calais, Dunkerque et dans les alentours. J’ai rencontré Faven (son prénom a été changé pour des raisons de sécurité) au centre d’accueil du Secours Catholique où le RWC fait des distributions de vêtements, de couvertures et de produits d’hygiène pour les femmes et les enfants deux fois par semaine.

Les volontaires que j’ai rencontrées au centre d’accueil du Secours Catholique, plusieurs femmes françaises et une dame iranienne qui a obtenu à l’asile en France il y a 10 ans, sont toutes chaleureuses, aimables et dédiées à l’aide des réfugiés dans la région. Une dame m’a raconté qu’elle invite des garçons et des filles mineures chez elle afin de les protéger des dangers du froid, de la police et des trafiquants. Cela me fait chaud au cœur de voir ces gens de la région qui se sentent concernés par la détresse de leurs voisins – beaucoup ne le sont pas.

L’amour et la ténacité de ces femmes m’impressionnent énormément. Elles sourient, se prennent dans les bras, s’embrassent comme de vieilles amies. Je ne suis pas sûre si c’est leur culture, de la reconnaissance ou simplement le fait d’être entre femmes. J’ai vu une femme éthiopienne, portant trois paires de pantalons sur elle et un bébé joufflu sur son dos partir vers la gare en souriant et en faisant des signes de la main. Elle était déterminée d’arriver en Belgique afin de passer en Grande-Bretagne. Son mari est en Écosse et elle est déterminée de le rejoindre. Elle n’a pas de moyen légal pour accomplir cela.

De retour dans notre caravane au camping, l’équipe du RWC parle des évènements de la journée, fait à manger, partage une bière et creuse des citrouilles. Nous sommes huit, deux d’entre nous sont des volontaires de longue durée et d’autres restent quelques mois, quelques semaines ou quelques jours. C’est une ambiance chaleureuse, confortable et chaotique qui me rappelle une résidence étudiante. Il y a peu de place ; de la nourriture, des boites pleines de jouets pour enfants et des affaires personnelles recouvrent toute la surface. La douche est cassée et les filles utilisent des bouteilles d’eau chauffée à la bouilloire pour se nettoyer au mieux possible, en attendant que le Monsieur du Camping passe pour régler le problème. Tout le monde est de bonne humeur, malgré les épreuves de la journée.

La police a effectué une autre grosse expulsion dans la Jungle de Dunkerque. La plupart des familles, mais pas toutes, sont montées dans des bus afin d’être amenées dans des centres d’accueil. Personne ne sait où elles sont parties. Les familles ne savent pas où elles sont parties. Les hommes seuls restent. Ceci est une procédure régulière maintenant – une éviction une ou deux fois par semaine. L’état veut que ces personnes partent, mais beaucoup reviennent. Alors que quelques uns vont demander l’asile en France, beaucoup espèrent rejoindre de la famille ou des amis au Royaume Uni.

Après l’éviction, la police revient plusieurs fois dans la matinée pour récupérer les biens des réfugiés, répartis dans les environs. Des tentes, des bâches, des sacs de couchage, des couvertures, même des manteaux sont récupérés et jetés dans un camion ouvert. Les familles restantes ne sont pas épargnées. Aucun objet pouvant maintenir une personne au chaud ne leur reste.

La police est arrivée avec deux camionnettes et un camion sur le petit parking que le RWC utilise pour les distributions. Quand une bénévole leur demande de leur rendre les couvertures ou d’autres biens, ils rétorquent que ce sont des déchets.

Une autre voiture de police vient à notre rencontre alors que nous garons notre camionnette sur un autre parking, près du lac. Ils nous bloquent le passage en s’approchant à quelques millimètres de notre pare-choc, forçant Ciara à reculer sur la petite route étroite, échappant de peu au fossé, afin de les laisser passer. Ils auraient pu reculer de quelques mètres, afin de manœuvrer facilement sur un grand parking, mais non. Ce comportement têtu est subtil, ou de l’intimidation pas si subtile que ça qui ne mérite aucun respect. Heureusement, un groupe de kurdes souriants et encourageants nous guide afin que nous retrouvions la route en sécurité. Ils nous font des signes de main, une fois que la police est passée.

Le matin suivant trois d’entre nous nous entraînions à conduire notre camionnette. Nous nous garons, reculons et rigolons beaucoup. Plus nous sommes de volontaires capables de conduire la camionnette, mieux ce sera. Mais en réalité, l’idée de la police vous coinçant dans une impasse et vous observant en train de vous démener afin de la laisser passer, n’est pas amusante. Mes talents de conductrice, surtout en reculant, même dans une petite Fiat ne sont pas extraordinaires. Ils se seraient donc beaucoup amusés avec moi au volant.

Mais tout n’est pas perdu. Les filles du Refugee Women’s Centre ne sont pas dissuadées, même si la police contrôle leurs papiers d’identité à plusieurs reprises tous les jours, bloque leurs distributions et les intimide en général.

« Si je peux maintenir une famille au chaud, seulement pour 4 jours, je le ferai » dit Ciara, une volontaire de longue durée. Je trouve cette jeune fille de 23 ans extraordinaire.

Les filles garent la camionnette près du lac et Ciara démarre la distribution alors que Sarah et Hanna mettent en place des activités pour les enfants et Sarah propose un cours d’anglais improvisé à une dame et son mari.

C’est Halloween demain et j’ai fait le trajet depuis le Royaume Uni avec ma petite Fiat chargée de citrouilles. Les enfants dessinent des visages sur les potirons et nous les creusonsplus tard ce soir. Ils se déguisent, dessinent, peignent et sautent à la corde. Deux nourrissons jouent avec des ballons. La corde est lourde et n’a pas de poignées et les ballons sont sales et presque à plat. Je ne sais pas d’où ils sortent, mais des enfants si petits s’amusent avec tout ce qu’ils trouvent. J’adore leurs visages souriants et leur esprit invincible.

Je n’ai pas l’occasion de jouer avec les enfants. Après l’expulsion, les gens ont désespérément besoin de sacs de couchage, de bâches ou de quoi que ce soit pour les garder au chaud. Un garçon de 17 ans est arrivé seul il y a trois jours et n’a rien. Il ne connaît personne, ne parle pas anglais et a l’air particulièrement vulnérable. Il se tourne souvent vers un garçon coquin de 10 ans perché sur un vélo usé pour qu’il traduise ce qu’il veut dire. Un homme d’âge mûr a trois enfants et cherche désespérément un moyen pour garder sa famille au chaud. Avec Indi, nous retournons au hangar afin de trouver des habits propres, une couverture et un sac de couchage pour le garçon et quelques couvertures et une bâche pour l’homme et sa famille.

Ces personnes ont besoin de couvertures et de sacs de couchage, mais il n’y en a pas assez. Des hommes se rassemblent autour de la voiture, demandant de l’aide. Le hangar Salam avait l’habitude de faire des distributions régulières avec leurs propres bénévoles, mais aujourd’hui, ils font seulement fonction de hangar où d’autres associations gardent et distribuent des dons. Emmaus fait une distribution deux fois par semaine apparemment, mais il n’y a pas assez de dons, en particulier avec les évictions régulières et la confiscation de biens. Je n’arrive pas à croire que ce comportement de la police est légal. Il est évident qu’une possession revient à son propriétaire et qu’il ne peut lui être pris que s’il est un danger pour autrui – une arme, un couteau ou un objet de ce genre. Des couvertures, des sacs de couchage… J’ai honte de ce qu’il se passe en Europe.

Durant les deux jours que j’ai passé avec le RWC, les filles sont parties dans plein de directions différentes afin d’aider les personnes sur place – emmener une dame malade à l’hôpital, faire des distributions à Calais et à Dunkerque et dans un centre d’accueil, afin d’encourager les familles à rester au chaud – une serviette hygiénique par femme et une couche par enfant par jour ne suffisent pas !

Elles font ce qu’elles peuvent afin de satisfaire les besoins humains de base, s’assurent que les gens reçoivent un traitement médical quand ils en ont besoin et les mettent en relation avec les personnes leur donnant les informations et les conseils juridiques nécessaires. Elles s’occupent des enfants afin que les mères puissent se reposer un peu et offrent du thé, du repos et un endroit sûr aux femmes, afin de socialiser un peu entre elles. J’adore cette équipe merveilleuse et je les ai rejoint plusieurs fois.

Mais le Refugee Women’s Centre a besoin de dons – financiers et matériels. Vous pouvez consulter notre liste de dons à ce sujet -

Les réfugiés dans le nord de la France ont désespérément besoin d’aide alors que l’hiver approche. Ils ont besoin de notre aide. Si vous pouvez, aidez-les, s’il vous plait.

Et comme m’a dit un homme irakien : « Nous sommes humains » Oui, ils le sont. Comme vous et moi – mais ils ont tout perdu ou abandonné – leur famille, leurs amis, leurs maisons, leurs biens. Ils ont besoin de notre aide. De la solidarité humaine pour des humains.

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